Compte-rendu de la rencontre du 30 juin 2006 avec Gérard Mestrallet, Président du groupe Suez

 

Dans le contexte du projet de fusion Suez-Gaz de France, installé à l'avant-scène de l'actualité politique et économique, il nous est paru important de solliciter Gérard Mestrallet (X68), Président du groupe Suez, pour présenter aux membres du Groupe X-Gaziers, son point de vue sur la situation, ainsi que sa vision sur les évolutions prochaines. Cette rencontre a eu lieu le 30 juin 2006. Tu trouveras un compte rendu des principaux aspects évoqués par Gérard Mestrallet.

Nous publions également une version du magazine Terre Bleue de Suez (numéro d'avril 2006) consacré à la fusion Suez-Gaz de France. Ce document a été présenté au cours de la rencontre par Gérard Mestrallet.

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Après une brève introduction du Président du groupe X-gaziers, Jacques Deyirmendjian, laisse la parole à Gérard Mestrallet, Président-Directeur Général du groupe Suez.

Gérard Mestrallet indique que le Groupe Suez a une histoire " chahutée ". A l'origine, société en charge de l'exploitation du Canal de Suez, puis société financière de services dont les participations étaient diversifiées, elle n'a pris une orientation industrielle qu'à l'occasion de la prise de contrôle de Tractebel, suivie de la fusion avec la Lyonnaise des Eaux. On peut dater la fin de la réalisation du projet de groupe industriel intégré en 2005, avec la prise du contrôle total de la société Electrabel.

Le Groupe Suez est désormais un industriel détenant 100% de ses métiers (eau, environnement et énergie). C'est à 80% de son chiffre d'affaires un groupe européen (le reste étant réalisé en Amérique du nord et latine) et l'électricité et le gaz naturel représentent plus de la moitié des activités du groupe.

Pourqui une tel projet de fusion ?

Le Groupe Suez a tout d'abord une stratégie de stand alone, il pourrait ainsi continuer d'exister sans la fusion car elle ne représente pas un besoin vital pour lui. Le Groupe détient en effet des activités électriques et gazières dans des proportions suffisantes.

Le projet de fusion ou de rapprochement entre Suez et Gaz de France n'est par ailleurs pas nouveau : les deux groupes en parlaient déjà il y a plus de 6 ans. Ces discussions ont donc été entamées par Pierre Gadonneix puis reprises intensément par Jean-François Cirelli. Elles ont attendu un temps pendant la mise en bourse des sociétés Gaz de France et EDF, mais depuis fin novembre 2005, les deux groupes y travaillent activement. Il faut reconnaître par ailleurs qu' " Enel a un peu aidé " les PDG à vendre leur projet.

La fusion est une réponse à un nouveau contexte énergétique européen caractérisé par un mouvement de concentration, avec intégration verticale des acteurs, qui évoluent principalement à l'échelle européenne (avec quelques relais de croissance en dehors) et une forte convergence gaz-électricité, sous l'effet du développement de la production d'électricité à partir de gaz naturel, sauf pour quelques " acteurs spécialisés " (dont Gaz de France). Ce nouveau contexte conduit à faire émerger un nouveau modèle de référence pour les acteurs. La Fusion propose donc de faire émerger un acteur répondant à ces caractéristiques principales. Le Groupe fusionné sera aussi un leader mondial dans l'énergie et l'environnement, avec un ancrage territorial marqué (France, Bénélux).

Le calendrier de la fusion

Le Parlement débat en septembre et octobre du projet de loi autorisant l'Etat à réduire son niveau de participation dans Gaz de France.

Puis les décisions de la Commission européenne, notamment la DG Competition, qui sont sur le chemin critique, sont attendues courant novembre.

Enfin, les actionnaires des deux groupes devront se prononcer en décembre.

Il faut noter que l'actionnariat actuel de Suez devra se prononcer à hauteur des deux-tiers des actionnaires pour autoriser la fusion. Les grands actionnaires de Suez représentent 20 % du capital et 30 % des droits de vote. Le management de Suez leur a demandé d'augmenter leur part, ce qu'ils ont accepté. Albert frères est ainsi passé au dessus de 8 % en achetant du Suez à 31 euros.

La commission européenne, quant à elle, après avoir recherché la concurrence à tout prix sur les marchés nationaux ou régionaux pertinents, est en train de changer de modèle de référence : elle accepterait désormais des opérateurs de taille suffisamment importante pour pouvoir investir, résister à la concurrence extra-européenne, et négocier des contrats plus avantageux. La fusion, vue de Bruxelles, comporterait donc deux points positifs majeurs :

(i) permettre une privatisation

(ii) introduire une vraie concurrence sur le marché français.

Les cessions devraient pouvoir se limiter à SPE. En gaz, il faudra offrir en Belgique un volume de gaz release équivalent aux ventes actuelles de Gaz de France.

Pour autant il demeure un risque que Bruxelles n'exige une séparation patrimoniale (au motif que certains considère à Bruxelles que l'absence de baisses de prix sur le marché de l'énergie est due au fait que les infrastructures restent détenues par les opérateurs). Or la fusion a de fortes chances d'échouer si la Commission en profite pour demander une séparation patrimoniale des réseaux.

Perspectives stratégiques / Acquisitions

Suez ambitionne de posséder 100 % de tous ses métiers.

La forme "normale" de développement du groupe, ce n'est pas le recours aux acquisitions mais le développement industriel à partir des têtes de pont existantes.

Avenir de la branche "Environnement" : Le groupe entend conserver toutes les branches rentables avec taux de retour sur capitaux engagés à peu près équivalents. Il y a quelques années les marchés poussaient Suez à se débarrasser des activités "environnement" pour 1 euro symbolique. Elles valent aujourd'hui 15 milliards d'euros. L'existence de synergies potentielles entre l'énergie et l'environnement n'est cependant pas un impératif. Il est en tous cas un territoire où elles existent et elles rapportent : le moyen orient (production d'énergie et dessalement de l'eau de mer). "On n'est pas une entreprise de nulle part : les activités d'environnement participent de l'identité du Groupe". L'importance de l'ancrage local apparaît en particulier en période de fortes turbulences (telles que celles qu'a connu Suez il y a peu).

Développement en Europe : de gros moyens pour investir dans les centrales, y compris l'hydroélectrique, le renouvelable et le nucléaire.

Développement hors Europe : Suez a perdu beaucoup d'argent dans les activités de distribution (d'eau notamment) insuffisamment régulées. En élec, lorsque la régulation n'est pas mûre, Suez se replie maintenant sur les activités de production (cf Brésil, Chili) avec vente aux distributeurs ou aux entreprises. En matière d'environnement, Suez sort progressivement de l'Amérique latine. En Chine, le groupe reste dans l'eau (18 filiales, toutes rentables), mais ne s'intéresse pas à l'électricité (régulation pas stabilisée). Le cas de la production d'électricité aux Etats-Unis n'est pas tranché. Pour le reste, le GNL et l'E.P. s'imposent.

Régulation : Il y a beaucoup trop de régulateurs en Europe, des codes de la route différents. Il faut qu'il y ait un jour en Europe un régulateur unique, avec des règles du jeu uniques, permettant le financement et la réalisation d'investissements lourds d'interconnexion.

Social : Dans le domaine de l'accompagnement social, Suez fait mieux que Gaz de France. Après le choix stratégique réalisé en 1995 (renoncer aux activités traditionnelles de Suez, qui n'atteignaient pas la taille critique, et se développer sur deux métiers pérennes, l'énergie et l'environnement, à partir de participations minoritaires : 11 % de la Lyonnaise et 20 % de Tractebel), Suez a du se recréer un socle de valeurs communes (éthique, responsabilité, esprit d'équipe) et beaucoup investi sur la notion de responsabilité sociale de groupe. Suez est le Groupe qui a le plus produit d'accords collectifs internationaux ces dix dernières années (dans des domaines comme l'insertion, la diversité, l'accompagnement). Pour illuster l'attractivité, à noter que 300 des 400 employés de la CNR ont choisi Suez plutôt qu'EDF.

Questions Divesrses

Appros gaz : Perspectives Suez : Trinidad et Tobago, Australie, Indonésie, Malaisie.

GNL : choix fait en faveur de la mise en oeuvre de terminaux flottants ; réussites liées au suivi des rapports tumultueux entre vendeurs et acheteurs (Brésil vs Bolivie).

Actionnariat salarié : Avant la reprise de Tractebel, qui a entraîné mécaniquement une dilution, la part de l'actionnariat salarié chez Suez représentait 4 %. Il est prévu une émission d'actions dans la foulée de la fusion pour revenir à la situation précédente toutes choses égales par ailleurs (3 % y compris actionnaires Gaz de France ?).

Le futur siège : peut-être une nouvelle tour, permettant de rassembler des fonctions centrales réduites et les têtes des filiales ("tous ensemble").

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          Pour le bureau X-gaziers, le Président

Jacques Deyirmendjian (64)

Secrétaires : Nicolas Bouley (96), Bertrand de Singly (85), Christophe Bouvier (85),

Trésorier : Alain Sanglerat (69)

Pour tout renseignement, vous pouvez contacter :
Nicolas BOULEY (X96) - Tél. +33 1 44 97 05 67
Bertrand de SINGLY (X95) - Tél. +33 1 44 87 72 63
Christophe BOUVIER (X85) - Tél. +33 1 40 23 36 02  


Mise à jour le 9 juin 2006.