Conférence d'Isabelle Kocher du 2 novembre 2016

Le gaz dans la transition énergétique, Conférence d'Isabelle Kocher, CEO d'ENGIE, à X-Gaziers, le 2 novembre 2016.

Compte Rendu

Nous avons un combat à gagner sur le gaz, élément critique de la transition du fait de l’intermittence de la production électrique aux renouvelables. Mettre gaz et pétrole sur le même plan n’est justifié ni du point de vue économique ni environnemental.

Le changement climatique, une crise mondiale

Le terme “transition énergétique” ne rend pas compte de la révolution industrielle en cours : le caractère mondial du réchauffement climatique oblige à un changement de mentalité et à une convergence des efforts sans précédent. Cela nous pousse à tout revoir : les modes de vie (consommation, déplacements, urbanisation…) et les modes de production.

Conséquences :

- il y a beaucoup d'argent sur la table pour financer la transition. Autrement dit, il n’y a pas de frein financier pour toute une nouvelle génération d’actifs (éolien, solaire, biomasse et autres ENR). S'il y a un problème financier, c'est sur les fins de cycle, pour terminer les industries finissantes. En revanche, il y a une difficulté liée à la taille des projets à financer, beaucoup plus petits et nombreux que ceux auxquels sont habitués les fonds qui gèrent aujourd’hui les liquidités disponibles.

- On observe une accélération importante des évolutions technologiques, comme par exemple sur le photovoltaïque et sur l’éolien, et une baisse significative des coûts de projets. Cela pose des questions d'adaptation majeures et, en même temps, permet une évolution positive sur l’accès à l’énergie.

- Pour la première fois dans l’histoire de l’énergie, on a les moyens de résoudre le dilemme entre accès à l'énergie pour tous et soutenabilité environnementale et économique. On observe une convergence des luttes contre la pauvreté énergétique et le changement climatique. Les enjeux géopolitiques sont tout aussi importants : avec des ressources mieux distribuées, la transition libère le monde d’une dépendance forte à un nombre limité de pays. De ce fait, les pays émergents sont plus moteurs que les pays développés pour des questions d'indépendance énergétique.

Nos défis

La transition énergétique entraîne une évolution très profonde de nos activités vers un monde dual fonctionnant pour moitié de manière centralisée et pour moitié en local. L’adaptation de l’entreprise à cette évolution est essentielle. Sur les smart-grids et l’adaptation industrielle, Engie avait déjà pris le virage mais on a fait le choix de pousser dans cette direction et de se positionner en pionniers de la transition énergétique. Notre conviction est que cette orientation créera de la valeur.

Concrètement, elle se traduit par l’évolution de notre portefeuille de génération centralisée, de notre portefeuille d’activités gazières et de nos services d’efficacité énergétique.

Les trois éléments de la réponse d’Engie :

1- Le recentrage du portefeuille sur les trois forces d’Engie (génération bas carbone, infrastructures gazières et solutions énergétiques pour les clients): nous avons annoncé en début d’année 15 G€ de cessions, pour sortir du portefeuille des activités qui ne sont pas ou plus au cœur de notre stratégie. Par exemple, les activités liées au charbon : celui-ci représentait 15% du mix d’Engie en début d'année, 10% en novembre 2016. Pour ces cessions, plus on vend vite et plus on crée de valeur. La non stabilité du résultat est assumée et le dividende est dissocié de ce résultat. En face des 15G€ de cessions, nous prévoyons d’investir 22 G€ : dans les ENR, dans le gaz en remplacement du charbon, dans les infrastructures et dans les services.

2- Le choix d'investir nous-mêmes dans la technologie. Avant, se contenter d'acheter les produits et d’être agrégateur de technologies suffisait : l’importance des Capex nous rendait incontournables. Aujourd'hui, les barrières à l'entrée sont plus faibles. Nous avons annoncé 1,5 G€ d’investissement pour les nouvelles technologies et le digital, et l’annonce a été bien reçue par le marché.

3- Un travail sur la morphologie du Groupe dans un univers VUCA (Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous). L’objectif est d’évoluer vers un fonctionnement alliant une vision très claire de la raison d’être et une agilité toujours plus grande sur les moyens et la déclinaison opérationnelle de cette stratégie. Cela suppose de revoir les processus et le management. Depuis avril 2015, le groupe a été profondément transformé en ce sens.

Les conditions pour gagner la bataille du gaz.

- Positionner le gaz, énergie combustible la moins polluantes des trois énergies fossiles, comme meilleur ami du renouvelable ( comme meilleur back up pour rendre le nouvel écosystème énergétique techniquement stable et économiquement acceptable );

- pour que ça reste toujours vrai, il faut travailler au fait que le gaz devienne non fossile.

Au fil des questions :

- Sur la gestion du prix du Co2 par l’Europe , insatisfaction : on a payé le coût en se privant des bénéfices. L’initiative française en solitaire est une erreur sur des marchés autant interconnectés.

- A propos de Terrawatt : l’enjeu est d’identifier et de lever les freins au développement du solaire.

- Concernant le stockage de l'énergie. C’est l’enjeu majeur de la révolution en cours, avec des enjeux très divers aux différents pas de temps et de nombreuses voies technologiques concurrentes en train d’être explorées. ENGIE étudie l’utilisation de ses stockages souterrains pour stocker de l’hydrogène.

- Sur la méthanisation. Le biométhane est une énergie à la fois décentralisée et verte. A ce jour, il y a de gros enjeux de gestion du point de vue des intrants, du gisement et un manque de standardisation, contrairement à l'Allemagne. Pour l’instant, cette activité reste dépendante des subventions, l’objectif est de la rendre rentable.

- S’agissant du nucléaire, il y a une importante différence entre l'existant et le neuf. Pour une entreprise comme Engie, il faut prolonger l'existant, ne pas investir dans le neuf. Le coût du neuf ne cesse d'augmenter et on ne voit pas d'effet de série. Quant à la fusion, elle reste très lointaine et risque d’arriver trop tard par rapport à l’essor actuel des énergies renouvelables (solaire et éolien) ; elle risque de ne devenir commerciale que quand on n’en aura plus besoin.

Par Fabien Derreal, trésorier